La Table du Hinteralfeld
Depuis plus de 10 ans, nous donnons notre avis sur les différentes qualités de plus de 70 établissements. Force est de constater que certains font le choix de l’authenticité en valorisant leur propre production ; les autres mettent en avant le repas marcaire, dont la quasi-totalité des constituants est d’origine industrielle. Dorénavant, nous délaisserons ces lieux qui n’offrent que peu d’intérêt !
Le retour… avec du caractère – Printemps 2023
Toute la famille Iltis est au rendez-vous, et nous accueille chaleureusement en interrompant brièvement son déjeuner qui se termine.
Lors de notre dernier passage, nous avions éprouvé une grande déception, et c’est avec une certaine prudence que nous avons entamé notre visite.
Mais un regard au tableau des réjouissances disponibles à table, suffit à tempérer nos doutes. Les propositions sont écrites à la craie et non imprimées sur un document plastifié, immuable. Nous retrouvons avec plaisir le principe du menu « du jour », bien plus adapté à une ferme-auberge. D’autant que ce « menu de la ferme » apparaît presque au même prix que… le marcaire. Bravo !
Nous devrons nous décider entre Fleischnacka, Lawerknefla et tripes… Oui, la fameuse confection qui est proposée en bocaux à emporter si vous souhaitez en prolonger la dégustation chez vous.
Pour l’entrée, nous dégusterons une terrine et un fromage de tête « à l’ancienne ». La terrine est réalisée à base de bœuf et de gibier. Elle est très serrée et pourrait s’avérer plus moelleuse. Mais cette caractéristique correspond au faible usage de gras. En revanche, elle nous séduit par sa richesse de goûts. Quant à la tête de cochon, version rustique du presskopf, elle transpire l’authenticité. Si vous n’aimez pas les abats cuits dans leur jus, abstenez-vous. En revanche, si vous aimez retrouver des saveurs d’antan, un peu brutes mais tellement marquées, précipitez-vous ! »
Les Fleischnackas sont issus d’une viande de pot-au-feu. Tendreté et saveurs composent ici avec la richesse et la délicatesse de l’assaisonnement. Les tripes, bien qu’alsaciennes, semblent en communauté avec le Pays Basque. L’usage subtil de la tomate associée à la carotte et au poireau, la ponctuation du piment d’Espelette confirment la forte personnalité de ce plat.
Les traditionnels roïgebrageldas conjuguent harmonieusement le moelleux et le grillé des pommes de terre.
Nous avons accompagné notre repas d’un Pinot Noir bio du Domaine Jean Becker à Zellenberg. En début de dégustation, le service trop frais de ce vin rouge fait ressortir une trame un peu sévère et une structure tendue. Peu à peu, les fruits rouges se révèlent autour de tanins bien fondus et nous découvrons un vin agréable, bien équilibré.
Maman Iltis est au fourneau tandis que ses filles Adèle, à la transformation des viandes et Anne la secondent dans les autres tâches.
Notons cette année l’ouverture de 6 nouvelles chambres qui assurent un hébergement de qualité et de grand confort, à l’étage au-dessus de l’auberge.
Tandis que la troisième fille de la maison, Katia qui officiait en cuisine au paravent est partie sous le climat de la Drôme à Nyons, l’équipe qui reste en place nous apparaît solide, plus motivée que jamais, avec un sacré caractère.
C’est avec plaisir que nous repassons notre avis à 4 clarines.
Tristesse – Printemps 2020
Le Hinteralfeld était l’une de nos fermes-auberges de référence pour sa qualité et son style d’interprétation de la cuisine locale.
A notre arrivée, la première surprise nous alerte : à la carte, les mêmes plats qu’il y a quelques années…
Les tripes, les Fleischnackas, le chevreau et l’agneau. Nous ne pouvons manquer de questionner cette permanence de plats.
Par exemple, où est la « cuisine du moment » dès lors que ce sont les mêmes produits qui sont présentés toute l’année ?
Nous nous sommes annoncés, mais personne n’est venu nous voir en fin de service. Nos interrogations resteront donc ouvertes…
Les entrées sont servies sur une assiette de dessert, étonnamment petite, car elle a du mal à contenir crudités et terrine ou tourte. Ces dernières sont fidèles à ce que nous avons pu connaître, dans le respect des produits. Et nous retrouvons avec bonheur quelques « pickles » maison, hélas noyés dans les carottes.
Pour les plats qui suivent, nous sommes plus dubitatifs. La cuisson de l’agneau est superbe et lui confère une bonne tendreté. Le chevreau en revanche est sec et beaucoup trop ferme, réalité confirmée par nos voisins de table.
Et de façon plus globale, cette cuisine qui nous avait séduite par son charme, par l’usage juste et magique des épices, par la réinterprétation créative des plats alsaciens, retombe au rang d’une cuisine sans peps et sans personnalité. Certes plutôt bien interprétée, sauf le chevreau, qui n’offre plus de réel plaisir.
On se nourrit, sans grand plaisir gustatif, dans une ambiance manquant de chaleur et d’un parfait anonymat, du coup pour un prix loin d’être insignifiant.
Le Hinteralfeld s’est assagit ou peut-être assoupi ? Seraient-ce les clients qui auraient demandé une cuisine sans âme et banalisée ? Nous n’osons y croire.
Nous ne pouvons que formuler des vœux de voir à nouveau ce lieu nous offrir l’ambiance chaleureuse et la cuisine habitée que nous avons connues.
En attendant, notre appréciation passe à 3 clarines. Nous maintenons les 4 « têtes de vaches » concernant l’authenticité des produits en nous référant au site de la ferme-auberge, à défaut d’avoir pu en parler de vive voix.
1ère visite
Le repas.
Ce sont deux sœurs Iltis qui officient à l’auberge : sur les pas de maman qui les aide le dimanche. Anne, l’œil malicieux s’occupe du bien-être du convive, tandis que Katia, le verbe haut et clair règne en cuisine ainsi que sur les animaux. Et quelle belle cuisine inspirée pour quelqu’un qui affirme ne pas avoir reçu de formation dans ce domaine. Katia aime composer avec les saveurs et jouer avec les épices d’ailleurs. Elle admet avec un grand sourire que les parfums méditerranéens la séduisent et qu’elle adore réadapter les classiques alsaciens avec cette musique méridionale, vive et colorée. Ici, les tonalités rustiques reculent devant la complexité gastronomique.
En entrée, la terrine d’agneau aux noisettes est élégante au regard et délicate en bouche.
La suite
Les tripes sont tendres, à la fois fermes et onctueuses. Servies dans une sauce à base de jus de tomates et carottes sirupeux elles sont délicatement aromatisées. Les épices sont bien présentes mais tout en finesse, dans le respect du produit. Une symphonie !
Les fleischnackas proviennent d’un « vrai » pot-au-feu. Le jus est réduit, bien concentré, agrémenté d’herbes et encore d’épices, inattendues dans ce plat. Leur choix est précis, juste et gratifiant. C’est une interprétation renouvelée et moins convenue de ce grand classique alsacien. Inutile de préciser que la pâte à nouille est faite maison dans la grande tradition boulangère.
Dans le droit fil du déjeuner, les fromages, bargkaas, chèvre frais ou munster sont d’excellente qualité. Le pain également succulent est réalisé par le boulanger du Baerenbach voisin. Les tartes son toujours élaborées avec les fruits de saison. L’une reste présente toute l’année : la tarte de Linz. Et devinez pourquoi ? C’est un pur festival d’épices bien sûr.
Une seule exception pourrait ternir ce somptueux tableau : la myrtille sous toutes ses formes. Elle est surgelée et provient d’ailleurs. Mais cette entorse avouée est déjà pardonnée : plus de 80% de la clientèle en demande ! Dès lors comment refuser ?
Côté vins.
Les vins d’Alsace sont élaborés par les domaines JB Adam de Ammerschwihr et Jean Becker de Zellenberg. Le pinot blanc de ce dernier est agréable pour accompagner les plats épicés de l’auberge. Son nez exprime des notes de fruits à chair blanche. En bouche, son attaque est fraîche et fruitée et se prolonge sur une matière ample et charnue : un bel équilibre. Son riesling, construit dans la tradition se révèle sec, minéral et d’une belle longueur en bouche.
En vin rouge, le château Frontenac 2011, un bordeaux de Roger Mésange à base de merlot, cabernet sauvignon et cabernet franc. Il est bien concentré, avec des notes de fruits noirs et une finale compotée légèrement réglisse.
La carte propose aussi le « Vieux Clocher » Côtes du Rhône incontournable en ferme-auberge et un Vacqueyras, le Seigneur de Fontsimple, deux très bons vins dans leur catégorie et dont nous avons souvent parlé dans nos chroniques (voir Molkenrain pour le premier et Gresson pour le second).
A noter aussi un bourgogne Passetoutgrain, un Beaujolais-Village et un Côtes de Provence.
En conclusion.
La volonté de surprendre est associée à un profond respect de l’authenticité et des valeurs du métier. Cette dynamique permanente est contagieuse et s’exprime sans retenue. Au Hinteralfeld, on est de bonne humeur. C’est une belle énergie qui se dégage du lieu et de l’équipe qui y travaille. En prime, tous les produits sont issus de la ferme !
Parmi les autres plats possibles :
La terrine d’agneau aux noisettes
Les fleischnackas
Les tripes à la mode de Caen
Le pot au feu
Le navarin d’agneau
Les knepflas
L’émincé de bœuf, sauce champignons
La tourte à la viande de porc
Le collet fumé (ou autre morceaux de porc)
Les flammakuachas
Les fondues aux fromages, raclettes ou pommes de terre coiffées
A emporter.
Un saucisson d’agneau, aussi original que délicieux.