Partie 1 : Une belle tradition.
C’est la tradition.
Voilà des décennies que la transhumance est vivante dans les vallées vosgiennes. Il est de mise que les troupeaux de bovins montent dans leur résidence secondaire chaque été. Ils partent en estives, comprenez les chaumes et pâtures d’altitude, tandis qu’ils redescendent dans leur résidence principale pour passer les frimas de l’hiver. Compte tenu de l’indéniable réchauffement climatique, les esprits chagrins ou plus sensibles à l’avenir de notre planète, pourraient à juste titre s’interroger sur la pérennité de cette migration saisonnière, A vrai dire il serait bien dommage d’être privé de ce qui, au fil des années, est passé de cérémonie festive familiale ou entre amis à une véritable manifestation folklorique qui réunit des centaines de touristes, d’Alsace et d’ailleurs. Même si l’authenticité est parfois sacrifiée sur l’autel des affaires.
Bien sûr le costume des marcaires reste traditionnel ainsi que les cloches ou autres atours des belles vosgiennes qui ont vécu tant de transhumances.
Et derrière la tradition ?
Qui dit fête, dit musique. Les étapes de cette expédition vers les verts sommets, sont rythmées de mélodies joyeuses et entrainantes. Cependant, et sans vouloir ignorer le berceau alémanique de notre culture régionale, bien des airs trouvent leur origine en Bavière, du côté des vallées autrichiennes ou encore sur les hauteurs des alpages helvétiques.
Autrefois, le repas servi à l’arrivée en estive, réunissait famille et proches pour célébrer l’amitié, sans oublier de remercier pour les services rendus. Aujourd’hui c’est différent. En plus de son caractère convivial, c’est l’occasion d’amorcer ou de conclure une saison commerciale en vendant un nombre impressionnant de cet inénarrable « menu marcaire ». La dimension chaleureuse et passionnée de ces tablées est submergée par l’ambition commerciale du fermier-aubergiste qui place en tête son devoir de chef d’entreprise. Qui pourrait lui en vouloir ?
Du marcaire au «marcaire».
Historiquement, la marcairie est un bâtiment agricole établi principalement sur les chaumes des Hautes-Vosges. Il est composé d’une étable et de pièces, destinées notamment à la transformation du lait et au «stockage» du fromage. Le fermier qui y séjourne en été y trait ses vaches. Il se nomme donc justement «marcaire», de l’allemand «Mälker», celui qui trait.
A son propos, Wikipédia nous révèle : « Dans les petites chaumes, le marcaire est seul avec un auxiliaire que l’on appelle affectueusement «gamin». Le gamin descend les fromages dans la vallée une fois par semaine. Il transporte les fromages dans une hotte ou en conduisant une petite charrette tirée par un âne. Quand il revient, il pense à remonter avec quelques vivres qui permettent d’agrémenter le repas répétitif et non varié d’un marcaire : il ne se nourrit que de pommes de terre, de produits laitiers, du pain dit noir qui est souvent rassis. Parfois, il mange du lard et s’autorise du vin. »
On comprend que, pour des raisons pratiques qui touchent à la conservation des aliments, le porc élevé, abattu et transformé dans la vallée, constituait peu ou prou l’essentiel de la viande consommée, il y a un siècle, par le marcaire. Cette réalité, quelque peu austère mais logique pour l’époque, nous éclaire sur la nature du repas, dit marcaire : En entrée, une tourte de viande de porc haché ( parfois avec du veau) , suivi de collet fumé accompagné de pommes de terre (les roïgebrageldas), puis en dessert, une tarte aux myrtilles. Un reportage de France2 * en 2016 met le doigt sur le paradoxe qui nous interpelle.
On n’y voit que vaches et fromages alors qu’on y consomme essentiellement cochons et dérivés…